Fermentations. Du kéfir aux champignons, pourquoi le moisi nous fascine
Ils sont jeunes, néo-ruraux et cultivent des graines de kéfir en prônant la décroissance. Elles sont féministes et revendiquent la “puissance fermentative” des femmes. Tels les rites d’une nouvelle religion, des ” fêtes de la fermentation” réunissent de plus en plus d’adeptes. D’autres, moins zélés, se contentent de s’intéresser à leur microbiote intestinal en cultivant une mère de komboucha.
Pourquoi ce goût pour les champignons, bactéries, levures et autres pourritures, qui longtemps ont inspiré le dégoût ? Comment ce qui était la marque de la mort fascine-t-il aujourd’hui comme la source de la vie ?
La journaliste et philosophe Anne-Sophie Moreau, mettant en jeu son expérience et la conscience de la catastrophe écologique, est tombée dans le bocal de la fermentation. Elle a réuni une documentation impressionnante sur la faveur du moisi dans l’alimentation, l’agriculture, mais aussi la cosmétique, la médecine, l’économie, l’architecture ou le design. Son enquête philosophique est nourrie autant de la Physique d’Aristote que de la pensée écologique et même des mythes modernes comme la saga Star Wars ou les films de
Miyazaki. Ainsi, elle interroge une identité définie par des bactéries tripales, mais aussi les rêves de vie sous cloche ou de symbiose avec le vivant, jusqu’aux ferments de la révolution ou des entre-soi aigres en politique. Car si la société de fermentation est travaillée par un “devenir humus” plutôt que par la nécessité de croître, si sa régénération passe par le moisi, quelle place y a-t-il encore pour l’espoir, le projet, l’inattendu ou la nouveauté ?
Anne-Sophie Moreau est journaliste, normalienne en philosophie. Fondatrice du site Philonomist, elle est aussi chroniqueuse à Philosophie magazine et conférencière (conférences TED et en entreprise).
En partenariat avec La Base, Malraux Scène Nationale et en présence de la Librairie Garin.
Photo : Emmanuelle Marchadour